« Impopulaire mais nécessaire »: le gouvernement doit annoncer mardi l’abaissement de 90 km/h à 80 km/h de la limitation de vitesse sur les routes secondaires à double sens, une mesure contestée mais qu’il juge indispensable pour endiguer la hausse de la mortalité routière.
« Si pour sauver des vies, il faut être impopulaire, j’accepte de l’être ». Le Premier ministre Edouard Philippe a préparé le terrain dimanche dans le JDD, à deux jours d’un Conseil interministériel de sécurité routière (CISR).
Le gouvernement y entérinera un plan de 15 à 20 mesures pour faire reculer le nombre de morts sur les routes, reparti à la hausse (3.477 tués en 2016) depuis le plus bas historique de 2013 (3.268). La France n’a plus connu de hausse aussi durable depuis 1972. « Ce plan global et ambitieux vise à refaire de la sécurité routière un enjeu national de première importance », explique une source proche du dossier.
Il développera notamment l’installation d’éthylotests antidémarrage (EAD) pour les personnes prises en alcoolémie délictuelle (supérieure à 0,8 g/l) et les récidivistes, sanctionnera plus durement l’usage du téléphone tenu en main, qui pourra mener jusqu’à une suspension de permis s’il est combiné avec une autre infraction, et protégera les piétons, avec des passages piétons sanctuarisés et des sanctions pour les automobilistes qui ne les respectent pas.
Mais une disposition capte toute l’attention: l’abaissement au 1er juillet de 90 km/h à 80 km/h de la vitesse maximale autorisée sur les routes à double sens sans séparateur central (terre-plein, glissière). Environ 400.000 kilomètres de routes sont concernés.
Les routes à double sens hors agglomération ont en 2016 concentré 55% des accidents mortels (soit 1.911 tués), et y baisser la vitesse permettrait de sauver « 350 à 400 vies » par an, estime le gouvernement.
« Si chaque jour on sauve une vie, en baissant de 10 km/h la vitesse, en mettant 45 secondes de plus pour faire un trajet de 10 km, je serai assez fier d’être au côté d’Edouard Philippe », a affirmé mardi le délégué général de La République en Marche Christophe Castaner, sur France 2.
« Il faut des mesures fortes, courageuses et efficaces, et c’est une mesure efficace », a salué l’ancien Premier ministre Manuel Valls, aujourd’hui rallié à LREM, sur Europe 1.
« La communication sera clé »
Cette mesure est prônée depuis plusieurs années par des associations de sécurité routière qui y voient un levier essentiel pour réduire la mortalité.
Impossible toutefois de prédire son impact précis. Une expérimentation a été menée entre juillet 2015 et juillet 2017 mais elle ne répond pas aux critères scientifiques nécessaires pour en tirer des conclusions: elle a été menée sur seulement 86 kilomètres et sur une période de deux ans (au lieu de cinq, durée minimale pour les études d’accidentologie). Les observations faites sur les tronçons-tests montrent toutefois que la vitesse moyenne y a baissé, les bouchons n’ont pas augmenté et l’accidentologie y est en baisse.
« La communication sera clé », admet-on à Matignon. « Il faudra une campagne de communication massive pour expliquer que ce petit effort individuel apportera un vrai gain collectif », confirme une autre source proche du dossier.
Les associations d’automobilistes et de motards, elles, contestent son efficacité. « Il n’y a pas de raison de toucher à la vitesse, les véhicules s’améliorent, la qualité des routes aussi. Et il y a déjà des panneaux abaissant la vitesse à 70 km/h sur ces routes quand il y a un danger », peste le président de 40 millions d’automobilistes, Daniel Qero, qui dénonce « une mesure répressive de plus ».
« Les trois-quarts des Français n’en veulent pas parce qu’ils ne la comprennent pas », affirme M. Qero, qui revendique une pétition ayant recueilli 600.000 signataires contre les 80 km/h.
Un sondage Harris Interactive publié mardi pour RMC et Atlantico montre que près de six Français sur dix (59%) sont opposés à la mesure, et 83% pensent qu’elle vise surtout à accroître le montant total des contraventions.
Crédit photo : Sébastien BOZON