« Sédatés » à Mulhouse, Malika, Didier et Jean-Michel se sont réveillés dans une chambre d’hôpital à l’autre bout de la France, loin de leurs proches. De retour en Alsace, ces rescapés du coronavirus goûtent désormais les joies d’une « vie nouvelle ».
« Qu’est-ce que je fais à Brest? Moi, je connais pas Brest, juste à la télé pendant les reportages! C’est une blague? » : lorsqu’elle ouvre les yeux, ce samedi 28 mars, Malika Fisli, une Mulhousienne de 58 ans, n’en revient pas.
Il faut dire que quand elle les avait fermés, deux semaines plus tôt, c’était à plus de mille kilomètres de là, en réanimation à l’hôpital Emile-Muller de Mulhouse. En pleine crise du coronavirus, l’établissement haut-rhinois faisait alors face à un afflux inédit de patients.
Pour cette aide-soignante d’un Ehpad mulhousien, les premiers symptômes du Covid-19 sont apparus le vendredi 13 mars.
« Je toussais tout le temps (…) On aurait dit que mes poumons allaient sortir de ma bouche », explique, masque sur le visage, la quinquagénaire, bien calée dans son fauteuil de l’unité de médecine physique et réadaptation de l’hôpital de Mulhouse, où elle est revenue le 14 avril.
« VIP! »
Hospitalisée le dimanche 15 mars, elle est placée en réanimation quelques jours plus tard. Le 20, elle est finalement évacuée avec cinq autres patients à bord d’un avion militaire Morphée vers l’hôpital de Brest.
Malika Fisli, atteinte par le coronavirus en mars, quitte l’unité de médecine physique et réadaptation de l’hôpital Emile Muller sous les applaudissements des personnels soignants, le 29 avril 220 à Mulhouse – AFP / SEBASTIEN BOZON
A son réveil, après une dizaine de jours passés en réanimation, Malika a perdu 14 kilos de muscles. En Bretagne, elle doit patiemment réapprendre à manger, à marcher… Loin de son mari et de ses quatre enfants avec lesquels elle reste en contact par téléphone.
Malika rentre en Alsace le 14 avril, seule dans un petit avion, avec un médecin et un infirmier: « quel bonheur! J’étais contente! VIP! »
Pas question pour autant de retrouver ses proches : elle doit d’abord poursuivre sa rééducation au service de médecine physique et réadaptation d’Emile-Muller, où les patients post-Covid suivent un programme de rééducation « sur mesure » (orthophonie, kinésithérapie, accompagnement psychologique…), explique Patrick Bronner, l’un des médecins de l’unité.
Une soignante s’occupe de Jean-Michel Girardot, atteint par le coronavirus, dans l’unité de soins de surveillance continue de l’hôpital Emile Muller, le 29 avril 2020 à Mulhouse – AFP / SEBASTIEN BOZON
Jean-Michel Girardot, lui, n’en est pas encore là. A 67 ans, le virus l’a beaucoup secoué. Placé en réanimation le 10 mars, transféré à Nancy une semaine plus tard, il a refranchi les Vosges le 14 avril et récupère depuis dans l’unité de soins de surveillance continue de l’hôpital de Mulhouse.
Sa sortie n’est pas encore programmée mais peu importe, il est « content d’être en vie ». « J’ai pratiquement une nouvelle vie, je me sens très bien, je reviens d’un autre monde », témoigne-t-il, très ému.
« Je m’accroche à tout ceux que j’aime (…) Ca m’a manqué de ne pas pouvoir recevoir ma famille », confie-t-il encore, la voix altérée par l’émotion.
« Un accent chantant ». Voilà le premier souvenir post-réanimation de Didier Ast, 54 ans, évacué vers Toulouse. Arrivé aux urgences mulhousiennes le 14 mars, il est ensuite transféré en réanimation à l’hôpital militaire déployé à Mulhouse, puis évacué vers la Ville rose.
« Un autre monde »
« Quand je me réveille, des gens me parlent (…) en coupant les mots pour que je comprenne où je suis et je ne comprenais pas », se souvient-il. « A force d’écouter, j’ai bien compris qu’ils avaient l’accent chantant. C’était comme si j’étais en vacances ».
ean-Michel Girardot, atteint par le coronavirus, dans l’unité de soins de surveillance continue de l’hôpital Emile Muller, le 29 avril 2020 à Mulhouse – AFP / SEBASTIEN BOZONJ
« Ce qui m’a aidé, c’était cet accent, l’accent de Toulouse », dit-il, insistant sur le « lien très, très fort » qui l’a uni « avec les soignants ».
D’ici une semaine, Didier pourra peut-être entamer sa convalescence dans une clinique voisine. Que retiendra-t-il de ces semaines passées à l’ombre du virus? « Que je suis en vie. Et qu’il faut profiter de la vie (…) ça bascule en un rien de temps ».
Sa « nouvelle vie », Malika l’a entamée jeudi après-midi : après six semaines de cauchemar, elle a quitté son service sous les yeux de ses soignants qui ont formé une haie d’honneur. Et l’une de ses filles est venue la chercher pour la reconduire au domicile familial.
« Beaucoup de pleurs, de joie, tous mes proches étaient là, ils m’ont fait la surprise », s’est-elle réjouie dans un SMS à l’AFP. « On a toute la vie pour se retrouver, profiter et surtout de se dire quelle chance d’être en VIE ».