Lundi redémarre le gigantesque et complexe chantier lancé après l’incendie qui a ravagé la toiture de Notre-Dame de Paris, interrompu le 25 juillet dernier en raison des risques de contamination au plomb. Le point sur le dossier.
OÙ EN EST-ON DU PLOMB?
L’incendie survenu le 15 avril, en détruisant la flèche, a fait fondre plusieurs centaines de tonnes de plomb, substance toxique pour l’homme, dont une partie s’est évaporée en particules dans l’atmosphère et dans les sols.
Après des mesures rassurantes sur la qualité de l’air, le débat s’est porté sur la concentration de plomb sur les sols autour de Notre-Dame et de certaines écoles de la rive gauche, les enfants étant particulièrement vulnérables aux effets de ce métal dans l’organisme. Des associations ont accusé les autorités d’avoir négligé, caché ou minimisé les risques et l’une d’elles (Robin des Bois) a porté plainte contre X.
L’inspection du travail a fait interrompre le 25 juillet le chantier pour renforcer la protection des ouvriers. Une décontamination des sols autour de la cathédrale et de plusieurs établissements scolaires a depuis lors été lancée. Et à partir de lundi, dans l’édifice, des dispositifs drastiques (douches, tenues jetables, protocoles divers) seront mis en oeuvre à l’intérieur du chantier, hermétiquement fermé.
Pour le moment, plus de 160 enfants ont été dépistés pour contrôler le plomb dans leur sang. Sur ce total, 146 se situent sous le « seuil de vigilance » (25 à 50 microgrammes de plomb par litre de sang), 16 sont à l’intérieur de ce seuil, et deux dépassent le seuil de déclaration obligatoire de saturnisme (50) – sans pour autant faire l’objet de mesures médicales particulières autres qu’un suivi.
LA SÉCURISATION: CE QUI RESTE A FAIRE
La phase de consolidation est loin d’être terminée: il faut notamment achever de placer des cintres sous les arcs-boutants, installer des plafonds provisoires au-dessous et au-dessus de la voûte (pour pouvoir la contrôler et en dégager les gravats), démonter l’échafaudage édifié autour de la flèche, soudé par le feu. Tout cela en évitant les chutes de pierres – comme cela est encore arrivé récemment pendant l’épisode de canicule – ou tout déséquilibre qui abimerait la structure gothique.
Une fois seulement la sécurisation achevée, le diagnostic est l’étape suivante: voir si les pierres ont bien séché, si elles doivent être remplacées… Mais concrètement les travaux de restauration proprement dits ne débuteront pas avant le premier semestre 2020.
LA RECONSTRUCTION: LES DIFFÉRENTES ÉTAPES
La flèche, la toiture, la charpente et 15% de la voûte sont à reconstruire.
Les grands choix architecturaux pourront dès lors être pris: matériaux (le bois de chêne pour la charpente?), reconstruction à l’identique ou non. Les entreprises seront choisies à l’issue de procédures de marchés publics et avec l’imprimatur des architectes des monuments historiques. Des ouvriers et compagnons doivent être formés.
Pour la reconstruction ou non de la flèche et l’aménagement du pourtour de la cathédrale, un concours international d’architectes déterminera si un « geste architectural audacieux » ou un choix traditionnel est retenu.
Toutes ces étapes prendront du temps. La reconstruction pourra alors s’engager. Cette phase ne sera pas forcément la plus longue, les technologies modernes offrant des moyens importants.
L’ACCUEIL PROVISOIRE DES FIDÈLES ET DES TOURISTES
Le diocèse est attaché à ce que la cathédrale soit rendue au culte, une fois tous les dangers de sécurité écartés. La nef, qui a été épargnée, pourrait être assez rapidement rouverte pour des messes.
En attendant, une « cathédrale éphémère », sous la forme d’une tente, devrait au moins être édifiée sur le parvis et une réplique de la Vierge du pilier y être exposée. Des projets plus ambitieux de « cathédrales éphémères » ont été évoqués. Cette structure pourrait contenir un espace de prière mais aussi une boutique-souvenir, une librairie, et un lieu de halte pour les milliers de touristes qui continuent d’affluer chaque jour aux abords de l’édifice depuis l’incendie.
LES SUITES JUDICIAIRES
Le Canard Enchaîné, qui n’a jamais été démenti, a sorti des révélations sur un ensemble de dysfonctionnements le soir de l’incendie qui ont entraîné un retard d’une demi-heure pour appeler les pompiers. Le journal a également fait état de travaux d’électricité bâclés, de sous-effectifs, évoquant aussi une méfiance entre services publics et diocèse.
L’enquête, dans le cadre de laquelle ont été auditionnés une centaine de témoins, a écarté pour le moment une origine criminelle. Les enquêteurs estiment que le départ de feu pourrait être dû à un dysfonctionnement électrique (court-circuit) ou à une cigarette mal éteinte, alors qu’un chantier était en cours autour de la flèche.
Trois magistrats instructeurs, dans le cadre d’une information judiciaire, doivent poursuivre les investigations à la rentrée. Des mises en examen de responsables d’entreprises concernées ne sont pas exclues pour répondre de négligences.