Face à l’épidémiede Covid-19 qui a tué plus de 15.000 personnes en France et qui continue de faire des ravages dans l’économie, le gouvernement a annoncé mercredi des primes pour les soignants et des aides pour les ménages les plus défavorisés.
Le 15 mai, quatre jours après la fin possible du déconfinement, « plus de quatre millions de foyers » parmi les plus modestes percevront une « aide d’urgence », a annoncé le Premier ministre Edouard Philippe à l’issue du Conseil des ministres.
Chaque famille bénéficiaire du RSA ou de l’Allocation de solidarité spécifique (ASS) recevra 150 euros chacune, plus 100 euros par enfant, et les familles touchant des aides au logement percevront de leur côté 100 euros par enfant.
Au total, selon le gouvernement, l’Etat déboursera près d’un milliard d’euros.
Le chef du gouvernement a par ailleurs annoncé des mesures financières exceptionnelles pour les soignants, en première ligne dans la lutte contre la maladie, pour 1,3 milliard d’euros au total.
Dans les départements les plus touchés, les personnels soignants des services de santé percevront en mai une prime de 1.500 euros nets et ceux des services ayant accueilli des patients Covid-19 dans les départements moins touchés également. Les autres personnels recevront 500 euros. Tous verront en outre leurs heures supplémentaires majorées de 50%, selon le ministre de la Santé.
S’y ajoutera une prime à venir pour le personnel du secteur médico-social, notamment celui des Ehpad.
« 18 millions » de personnes fragiles «
L’éventuelle reprise d’activité à partir du 11 mai apporte son lot d’incertitudes et de polémiques, comme celle liée à l’annonce surprise par Emmanuel Macron que les crèches et établissements scolaires (à l’exception de l’enseignement supérieur) rouvriront progressivement après cette date.
Le milieu médical se veut prudent quant à l’évolution de l’épidémie de Covid-19, qui a fait 15.729 morts dans les hôpitaux et les maisons de retraite, dont 762 décès supplémentaires recensés en 24 heures, soit le plus important bilan quotidien depuis le début de l’épidémie.
« On a du mal à déterminer à quelques semaines d’avance » la dynamique de l’épidémie, a affirmé Renaud Piarroux, chef du service de parasitologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, à Paris.
Qualifiant l’annonce de déconfinement à partir du 11 mai de « forme de pari », il a estimé sur France Inter qu’il s’agissait « plutôt d’une synthèse entre les pressions économique et sociale que pose le confinement et la dynamique de l’épidémie ».
« Quand on regarde ce qui se passe en Italie, qui sont en confinement depuis dix jours de plus que nous, il reste encore une transmission très élevée et c’est ça mon inquiétude », a souligné M. Piarroux.
Un technicien nettoie les rues de la ville de Cannes le 10 avril 2020 – AFP / VALERY HACHE
Antoine Flahault, professeur de santé publique à l’université de Genève, directeur de l’Institut de santé globale, s’est montré plus optimiste: « C’est réaliste de penser que la décrue sera largement amorcée le 11 mai, peut-être qu’on aura même de bonnes nouvelles avant. C’est important d’avoir un horizon de temps ».
Après le 11 mai, 18 millions de personnes à risque – « au-dessus de 65 ou 70 ans », atteintes d’affections de longue durée ou d’obésité… – devront toutefois rester confinées, a plaidé Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique qui entoure les autorités, devant la commission des lois du Sénat.
Selon lui, le déconfinement devra être reporté si ces conditions, notamment un nombre suffisant de tests de dépistage et la mise en place d’un système de traçage des contacts des nouveaux cas identifiés, ne sont pas réunies.
« Risque inutile »
La question du déconfinement s’accompagne aussi de celle, cruciale, des masques pour la population. La ville de Cannes a commencé à en distribuer massivement en commençant par les commerçants et les personnes fragiles. Et la SNCF, qui prévoit une reprise progressive du trafic d’ici l’été, considère que les passagers devront en porter.
Mardi soir, 6.730 patients dans un état grave se trouvaient en réanimation, soit 91 de moins par rapport à lundi. Cela fait six jours que cet indicateur, qui dénote la pression sur le système hospitalier et est très suivi par les spécialistes, est en baisse.
ésinfection d’un brancard après le transport d’un malade à l’hôpital de Montpellier, le 14 avril 2020 – AFP / Pascal GUYOTD
Pour Renaud Piarroux, toutefois, « il y a encore beaucoup de virus en circulation », ce qui alimente l’inquiétude sur la réouverture des écoles.
Sa crainte fait écho à celle du président de la Fédération des médecins de France, Jean-Paul Hamon, qui s’est dit « tracassé » par une annonce qui ferait courir « un risque inutile ».
Le Premier ministre s’était justifié mardi devant les députés: « Il y a un impératif (de retour à l’école) qui est réel, il ne peut pas se faire au prix de la santé, bien entendu. Il doit être conjugué avec la nécessité de préserver la santé de nos concitoyens, de garantir le respect de règles sanitaires ».
Les critiques sont d’autant plus virulentes que bars, restaurants et salles de cinéma resteront fermés. En outre, l’économie ne doit plus compter sur les festivals d’été.
La récession que devrait connaître la France sera encore plus grave que prévu, avec 8% de chute du PIB en 2020, selon le gouvernement, très attendu sur son « plan complet de sortie » du confinement.
Pour tenter d’y faire face, le plan d’urgence destiné à soutenir entreprises et salariés s’élève désormais à 110 milliards d’euros. Dans cette enveloppe, « le financement de l’activité partielle est porté à 24 milliards d’euros et le fonds de solidarité en faveur des très petites entreprises et des indépendants est porté à 7 milliards d’euros », a détaillé Edouard Philippe.
Le chômage partiel concerne désormais 8,7 millions de salariés français, a indiqué la ministre du Travail Muriel Pénicaud, c’est-à-dire « plus d’un salarié sur trois ».
Parmi les nouvelles mesures annoncées par le gouvernement figure aussi une prime jusqu’à 1.000 euros pour certains fonctionnaires qui poursuivent leur mission de service public malgré le confinement, selon le ministre des Comptes publics Gérald Darmanin.
La France devrait connaître un déficit public aux alentours de 9% du PIB cette année et une dette de 115%.